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HISTOIRE
DE LA
MORALE ET RELIGIEUSE
DES
s,
GRECS «
PAU
P? VAN LIMBURG BROU WER ,
OtêPoUêr d» Vwrén du Idon Neerlandoù , Docteur m Médecin» , PhOosophie et Lettrée, Profeeseur à VUnivereUi de Groningue, Memère ^ l'Inetitut Royal dee Paye^Bae , Membre fto- neraire de la Société archéologique d^ Athénée > etû»
TOnE HUITIÈHÈ.
DEPUIS LE RETOUR DBS HÉRACLIDES JUSQU'A LA DOBONITIOH DES ROMAINS.
TOME SIXIÈME.
à Groningub, CHEZ W. TAïf BOEKEREN.
1842.
CHAPITRE XXXVI.
Qualités intellectaelles et morales des divinités. Réflexions pré- liminaires. — L'anthropomorphisme toujours évident dans les ouvrages des poètes de cette période. — Preuves qui démon- trent que les causes qui avoient £ût naître les idées peu conve- nables sur les dieux cootinuoient toujours k exercer une grande influence sur les esprits. — Preuves du respect qu*on a voit
Sonr le sentiment moral. — Idées sur la providence. Défauts e généralité et d'uniformité. — Surtout manifeste dans le culte des dieux tntélaires. — Étendue qu'avoit la persuasion populaire sur la providence. — Incrédulité au sujet de ce dogme. Origine et suites de celte incrédulité. — Réflexions générales sur les opinions des Grecs k ce sujet. — Opinions sur les causes du mal et sur l'envie divine. — Distinction qu'on ftisoit entre l'intervention de la Providence et Factivitéhn-
Qiialitês inielleo- Jlin parlant de la civilisation religieuse dttdWinitèu'Rè^ des Grecs , dans les sièoles héroïcjues.
flexions prélimi- après avoir fait connottre la sphère d'ao-
tivité qu'ils assignoient à leurs divinités, nous nous sommes oocupës d'abord des facultés intel- lectuelles et du degré de moralité qu'ils leur attribuoient ; ensuite nous ayons parlé de la part qu'ils leur acoor- doient dans la direction des affaires humaines et dans le maintien de là justice ; enfin nous avons examiné leurs opinions sur les rapports qui existent entre Thomme et Dieu , et sur les devoirs qu'il a à remplir enyers lui. Il est inutile de répéter ce que nous ayons dit alors sur les motifs qui nous ont engagés à distribuer ainsi notre sujet. Nous nous contentons de renvoyer le lecteur au commencement du dix-septième chapitre de la première partie de cet ouvrage ('). Dans cette seconde partie, tout en observant le même ordre , la manière dont nous
n T. II.p. 4U.
308738
traiterons notre sujet sera différente. Il ne sanroit plas être question ioi de constater la nature et le caractère des divinités de la Grèce , telles que les représentoient les traditions populaires. Ces traditions appartiennent aux siècles plus reculés; soit qu*on les admit ou qu'on les regardât comme des fables , aussitôt qu*il étoit question de quelque ^divinité , on répétoit les récits connus de tout le monde , et , si Ton en inventoit de nouveaux , ceux-ci étoient tous arrangés d'après le modèle des anciens* L'autorité d'Homère et d'Hésiode, secourue par. la force irrésistible de la coutume et de l'exemple , laissoit aux divinités le caractère et les fondions qu'on leur avoit assignées d'abord. L'anthropomorphisme étoit l'essence de la religion des 6recs, et les monuments de l'art aussi bien que les fêtes tant publiques que mystérieuses , contribuèrent beaucoup à l'entretenir et à le fortifier.
Notre tâche se bornera donc ici à prouver, par quelques exemples , jusqu'à quel point cette manière de représenter les dieux étoit restée la même ; à indiquer les dévelop- ments que reçut l'anthropomorphisme dont je viens de parler et les changements qui s'y sont opérés. Pour la plupart il nous faudra nous contenter du témoignage des poètes. Les indications que nous trouvons chez d'au- tres auteurs sont loin d'être aussi nombreuses ou aussi claires. Les fictions des poètes , il est vrai , ne sont souvent que des fruits de l'imagination de ces auteurs : mais elles peuvent toujours nous servir à connoitre la ma- nière de voir populaire en général, les poètes pouvant être regardés comme les représentants de l'opinion publique ; tandis qu'à leur tour les ouvrages des poètes ont toujours eu une influence marquée sur l'esprit du public. L'antbropomor- Nous avons déjà VU que , dans Texposi-
pbisme toujoure . ii, /• i#i/ i
évident dans le< ^^^^ de 1 extérieur et des facultés corporel- ouvrage» deâ poe- jeg des divinités , les poètes de la période
tes de cette pen- » r r
ode. qui nous occupe ici ont marché sur les
traces d'Homère. En général, on peut dire la même chose de la manière dont ils parlent de leur sagesse et de leur moralité. Pindare , en louant la finesse de Sisyphe , le compare à un dieu (^)i Chez Gallimaque , Diane , jalouse de son frère , demande à son père de lui donner une grande quantité de titres ; Jupiter s'amuse aveo la petite comme le feroit un père mortel ; les dieux rient aux éclats de la Yoracité d'Hercule , comme ils s*étoient amusés du défaut de Yulcain ; et la grave Junon rit plus fort que tous les autres (^). Mais , en revanche , il y a une foule de passages où ces mêmes poètes , oubliant les absurdités du polythéisme , s'expriment sur la sagesse et le pouvoir de Jupiter d'un ton qui ne nous paroitroit pas indigne de la majesté du seul vrai Dieu (^) , ce qui n'empêche pas cependant qu'ils ne donnent des éloges au moins aussi magnifiques aux divinités subalternes. Il suffit de citer ici le passage connu de Pindare sur la sagesse d'Apollon (^). Plusieurs autres ont été allégués, lors- qu'il étoit question de l'omniscience des dieux.
Les dieux de Pindare (^) et d'Euripide (^) n'aiment pas
(*) Piod. 01. XIII. 73 Siavqyoy /*^^
(>) Gallim. U. in Dian.
(*) Voyez p. e. Theogn. 149 sq. -Eschyl. Agam. 180 sq.
(<) Piod. Pyth. IX. 80 s({. cf. lll. 52 sq. Ici Piodare re- présente Apollon sachant par lui-même ce que fit Goroois ; il ne dit pas un mot du corbeau qui , suivant Hésiode y r^vëla au dieu la faute de son amante. Cf. Schol. ad 48. Voyez aussi les passages sur la grandeur divine cit^s par Clément d*Alexaa- drie , fr. Pind. T. III. p. 129, 130. L'auteur du discours contre Aristogitoq (Oratt. Ait. T. V. p. 77. ï. 34) s'exprime ainsi sur Apollon ; 6'ç âv d-tbq naï iiàvTtq xav' djigfOTëça ol&t %o
(**) Voyez la première ode pythiquc et la dernière parmi les odes olympiques. Pan danse, en écoutant les hymnes du poê'te , fr. Pind. T. III. p. 50. Apollon est appelé o^xv^'^n^y^Y^^''^^ Àvàaaav* ib. p. 109.
(î'IFr. Eur.T. IL 449. 1.
1*
moifis la musique et la danse que ne le faisoient les dieux d'Homère. Les Grâces et les Heures s'occupent encore à teindre la robe de Y^nus, et cette déesse elle*méme s'amuse avec les Nymphes à faire des couronnes de fleurs (^). D'ailleurs, il suffit de nommer Mercure , Bac- chus , Vénus , Pan , Apollon , pour nous rappeler les. jeux folâtres , les amusements , les espiègleries des di- vinités de la Grèce. Les poëtes d'un âge beaucoup plus récent ont suivi l'exemple de leurs prédécesseurs (^)* On a demandé comment il est possible qu'on ait pu souffrir un moment les indécences qu'Aristophane met dans la bouche de ses dieux , et les sottises qu'il leur fait commettre : mais ceci est-il plus étonnant que de voir , dans une épigramme , destinée à orner la base de deux statues (l'une de Mercure et l'autre d'Hercule), un poète attribuer au premier le discours suivant : Passant , nous gardons ici les frontières. Cet Hercule que tu vois là , et moi , nous sommes des dieux ; nous écoutons volontiers les prières des mortels: mais entre nous deux , nous ne nous accordons passai bien. Hercule s'empare tout de suite de ce qu'on nous donne , quand même ce ne seroient que des poires vertes : poifes , pom- mes , raisins , mûrs ou non , il avale tout. Je te prie donc de ne jamais nous donner quelque chose en commun , mais d'assigner à chacun sa portion , en disant : tiens , voilà , Hercule , c'est pour toi , mais ceci c'est pour Mer- cure 9 entends4u ! (' ^).
(^) ^yp''* ^^^^* ^P' Athen. XV. 30.
(^) Voyez, p. e., l'épigramme d'Alcée de Messène sur Pan (ADtbol. T. I. p. 240. XIl) , et celle sut Apollon (Ëpigr. XIX. ib. p. 242).
('0) Léon. Tarent. Epigr. XXIX. (Anthol. T. I. p. 161). J'ai plutôt rendu le sens que les paroles , qui sont ou corrompues ou dëfectueuses ; quant au ton , j^ose croire que je Tai rendu avec fidélité. Après toutes les conjectures faites pour rectifier ce petit poème , qu'on peut voir chez Jacobs , T. VIL p. 87 fin. sq. ,
Les dieux ont toujours les mêmes défauts , les' mômes besoins que leur attribuoit Homère ; ils commettent les mêmes fautes et les mêmes crimes dont le poète fait si souvent mention. Il seroit ennuyant de vouloir entasser ici tous les exemples qu'en offrent les ouvrages des auteurs grecs. Une seule comédie d'Aristophane pourroit suffire , car , toutes comédies qu'elles étoient , ces pièces se re- présentoient en public , elles étoient applaudies et elles servoient à illustrer des fêtes religieuses (''). D'ailleurs les tragédies ne le cèdent pas sur ce point aux comédies. Pour s'en convaincre , on n'a qu'à se rappeler le langage que, dans Eschyle , Prométhée tient au sujet de Jupiter (' ^), ou la dispute indécente entre Apollon et les Furies dans les Euménides de ce poète C). Apollon avoit puni Clytemnestre par la main de son fils ; les Euménides veu- lent punir Oreste, Chaque partie se fonde sur la jus- tice de sa cause , mais ni l'une ni l'autre ne veulent reconnottre la légitimité de la vengeance de son adver*
je crois qu'après \û 5® Ters , il en manque au moinf deux. Aux mots âlXà Tïoê-* avvhq manque le régime : il est évident qu'ici il fal- loit suivre Popposition à ^iraxoiq «vdxob» ^ en ce sens : Nous exauçons les prières des mortels ^ mais entre nous y nous ne som- mes pas d* accord. Le 6" vers contient la cause de cette dissen- sion. Je ne sais pas si (vxQCTtll^^yv , vs. 8, peut signifier eon- sumer. Schneider (in Lex.) allègue ce passage même, mais aucun autre^ On a voulu lire i^imev.
(") Je ne puis me défendre de citer ici un passage du poëte comique Platon qui surpasse en impudence tout ce qu'on trouve ailleurs dans ce genre. Dans sa comédie intitulée Adonis (ap. Athen. X. 83) , Platon rapporte un oracle qui annonça au père ae ce jeune prince que son fils seroit aimé de Bacchus et qu'il seroit l'amant de Vénus. Ceci est exprime' en ces termeis :
(»») jEsch.Prom. 937 sq. 966 sq. (<8) Voyez, p. e., les expressions qu'Apollon emploie en s'adressant aux Euménides , vs. 67 sq. 174 sq. , et la manière dont elles répondent à ses invectives , 144 sq. Voyez encore la manière dont Gassandre parie d'Apollon , Agam. 1206.
saîre(**). Minerve tâche de corrompre les juges (**); les Euménides s'efforcent de les intimider ('^) , et, ja- louses des bienfaits qu'Apollon a accordes au genre hu- main , elles lui reprochent de récompenser la vertu et la piété C^)» et elles ne se laissent fléchir que par l'es** poir des avantages que Minerve leur promet ('^).
En lisant l'hymne homérique sur Mercure , on ne croi- roit jamais qu'il j soit question des actions d'un dieu. Nous avons emprunté à cet hymne plusieurs traits qui carac- térisent le fils de Maja. Il est donc inutile d'y revenir. Seulement il faut faire observer que , quelque absurde que cette légende puisse nous pardtre , personne ne la lira sans être frappé du ton badin et naïf qui y règne , et qui donne à l'ensemble plutôt l'air d'un j^u d'enfants que d'une transaction sérieuse (' ^), tandis que la con-> clusion , une réconciliation des plus cordiales entre les divinités et des offres de services mutuels , nous réconci- lie à notre tour avec ces dieux d'ailleurs si peu dignes de porter ce nom.
Le pieux Sophocle représente la déesse de la sagesse trompant le malheureux Ajax , et enseignant à Ulysse que le plaisir le plus doux c'est celui de voir ses ennemis accablés par le malheur ('^). Le même auteur parle de la passion que Ganymède inspira à Jupiter en des termes qu'on hésite à répéter (*').
('^) Quelle idée ! 'O0/M7 fiQonioiv aîiiàrtùv fie nqoaytXa. V8. 248.
Et cepeodant ^ quelles justes réflexions sur le crime d'Or-este , vs. 484 sq. ! Mais ces réflexions y plus elles sont justes , plus elles font ressortir l'injustice d'Apollon qui défend le parricide. (ï«) vs. 657 sq. ^ (»tf) vs. 709 , 710.
f^) vs. 713 &({. C'est la même idée qu'on retrouve dans la fiction d'après laquelle Jupiter terrassa Esculape.
(*«) vs. 795sq. 824 sq. 843 sq. ('*) Voyez, p. e. , Mercure, malgré tous ses mensonges ^ obéissant aussitôt à l'ordre que lui donne Jupiter d'indiquer l'en- droit où il a voit caché les objets volés.
(^o) Soph. Aj. 90, 79. (^') Mii^otç vTfai&ayif T171' z/»ôç rvçdttkda i fr. Soph. éd.
Rien de plus naturel que de voir oes poètes , et surtout ceux d*un âge plus rapproché , répéter les anciennes fa- Ues : plus on s'éloignoit de la source , plus ces fables furent considérées comme de simples fictions auxquelles on attachoit tout au plus quelque importance pour en orner les productions du génie poétique : mais , ce qui est étonnant , c'est que ces auteurs se plaisoient évidemment à enchérir sur l'anthropomorphisme des siècles plus reculés;
n en étoit de même dans le culte. Non seulement dans les processions publiques et sur les monuments de Fart j Bacchus étoit souvent représenté dans un état complet d'ivresse (*^) ^ mais , dans un entretien de phi^ losophes , qu'on trouve chez Plutarque , l'un d'eux tâche de prouver que, la passion dominante de Bacchus étant l'intempérance , on se trompe si l'on croit que i'hèjdre ait été employée par lui pour préserver la tête des va- peurs du vin(**).
Preuves qae les Ces exemples peuvent suffire pour prou- cames qui aboient « 3* 9 • M. f
fait naître les î- v^r que les dieux n avoient pas gagne en déespettcoDTeoa- moralité depuis les siècles héroïques ; aussi
blés sur les dieux r '^ * '
coDtinuoient tou- les preuves ne nous manquent-elles pas jours à exercer ^^j, prouver que les causcs qui donnèrent
une grande, m- *^ *^ * ^ ^ ^
fluencesuriéses- naissance à des idées aussi absurdes scr- ^"**' voient aussi à les entretenir et à les pro-
pager. Nous avons fait observer auparavant que la notion de divinité dût son origine à celle de pouvoir et de force , et nullement à l'idéal, de perfection morale (^^). Il n'est
Bruock. T. m. p. 420 fia. Comparée avec ce passage , l'expres- sion qu'emploie Apollonius (III. 117) est très décente : xdXXtoç l/Aêç&ti^, Mais chez ce poète Junon dit sans détours que son mari couche avec des déesses et avec des mortelles.
— xêhm yàç àêi làâe «Ç/a /Ji'i/iiijXtv ^ *Hh oifv à&avdrrjqy îjà ^itfiTjjaynf lavent» IV. 794.
(aa) Alhen. X, 33.
(«»)t Plut. Symp. III. 2 (T. VIII. p. 671).
(**) Voyez T. II. p. 418 sq.
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pas difficile de proarer qae cette opiDion m main- tînt dans tonte sa yigueur. Eschyle appelle Tandace une divinité irrésistible (^ ') ; le mal , ponrru qu'il soit grand , est appelé divin , tout oonune le bien (^^) ; les imprécations que prononce Ajax paroissent si horribles à Tecmesse^ qu'elle suppose qu'un dieu les lui ait enseignées (*'); quelquefois même il suffit qu'un phénomène soit étrange ou extraordinaire , pour qu'on y attache la notion de divi- nité* Élien raconte qu'on regardoit comme un dieu un monstre à tète d'homme et à pattes de bouc qu'il prétend avoir été le firuit du commerce d'un berger avec une chèvre (^*). On dîvinisoit les passions , parce^u'elles sont plus fortes que l'homme ; on divinisoit les conditions dans lesquelles l'homme se trouve , parceque souvent elles ne dépendent pas de sa volonté : et c'est ainsi qu'on vit naître une foule de divinités inutiles , méchantes , abominables. Si l'égalité (^^) et la prudence (*^) sont des divinités très profitables , si la paix est la plus bdle des dées- ses C), l'ambition est la plus méchante des divini- tés ('^). Souvent la même sensation est une bonne ou une mauvaise déesse , d'après le point de vue sous lequel on l'envisage (**)•
*Aifitf^Qif f S^àcoç» Agam. 77 !•
^Oraïf T»ç «7(fi7 zàya&o'v , XÇV'^^* ^^ MV« Eur. fr. T. IL
p* 435. 1.
Kêâêlç à^âçAi, , iâiâalêy. Soph. Aj. 238.
(*•) JËUan. H. A. VI. 42. (*^) Eut. Phao: 539 sq. (»«) Ib. 780. (»») Enr.Or. 1682. (»•) Eut. Phœn. 535 sq.
(••) Tbcogn. (35) dit:
Dans un autre endroit , il s'exprime ainsi :
*£X7riç' xai xiifâvvoç iv àv^çàitotOuf OftoZok*
OvTOk fàq x^X^nol âaif/^oinç dftçovë^oê (vs. 481).
Nous en avons déji cite' plusieurs exemples en parlant des per- sonnifications , p. e. Plut. Them. 21 in. cf. Heroa. VIII. 111.
9
D'après le même principe , les dieux personnels éloient bons oa mauvais , suivant les passions qu'ils ëtoient oensé inspirer , ou d'après les conditions auxquelles ils prési* doient*
Rien n'étoit plus naturel que de représenter la HorI cooune une divinité inexorables^), comme l'ennemie des dieux et des hommes (^') : il n'est donc pas étonnant qu'on attribuât les mêmes qualités à Pluton (*^). En pen- sant aux malheurs qui sont souvent la suite de l'amour , on n'hésitoit pas à s'exprimer d'une manière peu respeo» tueuse au sujet de Vénus et de son fils , et , en confondant la passion avec la divinité qui Finspiroit , on alloit jusqu'à supposer que cette divinité s'indignoit contre ceux qui refîisoient de se livrer aux transports de l'amour (' ^) , et l'on croyoit qu'il falloit lui adresser des prières pour la supplier d'écarter les émotions trop fortes (^®). De même Mars est un tyran (^^) , et Bacchus doit être appaisé et rendu plus sage par ses nourrices (^^)^^
(*^) Esch. fr. T. V. p. 102. n\ 147. Voyez la manière dont Euripide la représente (Aie. 28 sq.) , s'indignant contre Apollon qui veut lui ravir sa proie , surtout vs. 56.
(»<) Eur.Alc. 63. (»^) Soph. EL 535. Oed. T. 30.
(^^) Il suffit de citer THippolyte d'Euripide. La nourrice, toute méchante qu'elle fut , avoit droit de dire : S-ioç ifisl^^^ %à†(Hipp. 476 sq.) , et elle pouvoit implorer le secours de la déesse pour entraîner Phèdre à l'inceste (ib. 522). Ajoutons l'idylle de Théocrite (XXIII fin.) où un jeune homme est puni par Éros^ parcequ'U n'a voit pas voulu écouter les in£ames pro- positions qu'on lui avoit faites. Les paroles qui terminent ce poème contiennent la profanation la plus impudente qu'on puisse s'imaginer du sentiment moral : o yàg &ibq olâe âk*à^€tv*
(»») Eur. Iphig, A. 543 sq.
(^^) Plutarque (Demetr. 42) compare un passage de Timothée, où Mars est qualifié ainsi , avec un autre de Pindare , où la Loi (if6i*Qç) est appelée un roi légitime {fiaobXêvç)*
(*») Plut. Symp. III. 9 fin. (T. VIIL p. 610).
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I
n n'est donc pas si étonnant que oda detoit paroltre d'abord de voir élevés au rang de héros des hommes qui n'avoient d'autre titre à cet honneur que leurs forces prodigieuses et leur brutalité. ' Hélène , quoique adultère et cause des malheurs de Troye , eut des temples et des autels , paroequ'elle étoit la fille de Jupiter et parcequ'elie étoit belle.
Cependant , si les poëtes n'hésitoient pas à suivre l'ex- emple des auteurs plus anciens , en parlant à découvert des vices et des défauts de leurs divinités , ils ne man- quoient pas -non plus de faire ressortir leurs vertus et leurs belles qualités (^^) ; quelques-uns même tàchoient visiblement de présenter leurs actions sous le jour le plus favorable (^*). Nous savons d'ailleurs que l'an-» thropomorphisme lui-même donnoit lieu à des tableaux marqués au coin de l'humanité et de la sensibilité la plus exquise (♦*) , pour ne pas dire que ce qui parmi les mor- tels devoit être considéré comme un crime , étoit souvent regardé comme un bienfait de la part de la divinité (^^), ou au moins comme un sentiment tout-à-fait naturel (^').
(41) Voyez, p. e. , l'éloge de l'amour fraternel de PoUux, Pind. Nem. X. 137 fia. (cf. Eratosth. Catast. 10) et la modë- ration-de Minerve, Mach, Ëum. 869.
(**) Pindare en offre des exemples frappants. Voyez Essai sur la beauté morale de la poësie de Pindare.
(♦») Un trait suffit: Hercule e'toit représenta comme jouant avec des enfants (£lian. V. H. XII. 15). On étoit si persu- adé que les dieux aiment cet âge de l'innocence , que dans plusieurs endroits on employoit des enfants pour adresser des voeux ^ la divinité afin de la supplier dVioigner quelque calamité publique. Jambl. Vit. Pyth. 51.
(*♦) Les amours d'Apollon et de Coronis donnèrent naissance k Esculape , le bienfaiteur du genre humain ; celles de Neptune et d'Amymone firent le bonheur de l'Argolide. Ce trait étoit propre aux traditions , mais les poètes s'en prévalurent davan- tage , k mesure que le sentiment moral s'épura. Il suffit d'en ap- peler k Pindare.
(**) Voyez, p. e., la manière dont Pindare parle de la passion qa'avoit Apollon pour Gyrène, Pyth. IX. 61 sq. Aussi la chasteté de
il
Preuves dn rw* Hais , ce qui ifiénte toute notre atten*-
pect qu*on avoit ^ , . ,
pour le sentiment *!©« » c«st que les passages qui prouvent moral. que les auteurs , tout en répétant les fictions
et les idées populaires , entrevoyoient cependant Tabsur*- dité de ranthropomorphisme , sont beaucoup plus fré- quents et plus manifestes qu'auparavant. Apollon ^ che;^ Eschyle, déclare vouloir protéger Oreste , parceque la colère de celui qui défend la cause des suppliants est ausdi bien à craindre pour les dieux que, pour les hommes (^^)« Les Océanides veulent que Prométhée pense à Adras- tée(^^). Minerve conjure les Furies par la déesse dé la Persuasion de se laisser fléchir (^^). Ces divinités recon*- noissoient donc au-dessus d'elles un pouvoir auquel elles étoient soumises aussi bien que Tétoient les foibles mortels. Ce pouvoir c'étoit le sentiment moral ; le peête le respectoit comme supérieur aux divinités et comme leur dictant la loi , ainsi qu'il le faisoit aux hommes. Si tu es vraiment sage , dit Jocaste à Jupiter, il faut que tu aies pitié des malheureux, et que tu ne permettes pas qu'ils le restent toujours (^^)«
a
Minerye et de Diaoe n'est-eile pas représentée comme une vertu , mais plutôt comme une suite de la prévention qu'avoient ces déesses pour les affaires dont elles s'occupoient ordinairement. Hymn. Uom. III in. Souvent la haine paroissoit aussi naturelle que Tamour. Pausauias n'ose pas se prononcer sur l'immortalité de l'âme , mais , ajoute- tMl, si Tâme d'Aristomène est immortelle , je ne doute pas un moment qu'elle ne conserve étemellemeat «on désir de se venger des Spartiates; IV. 32. 4. {^^) Msch. Eum. 228.
Té jiqoovqonaia iAijvi,q^ él Ttçoâô a^ ixœy* Ou çrçoavçoTraioq est ici le âuifAayv çtçoavçoTtaioç , OU c'est le suppliant lui-m^ême : mais alors il faut sous-entendre é'vena : car Apollon ne pou voit pas dire que la colère d'Oreste fut à craindre pour les dieux. Quoiqu'on choisisse , le sens reste le même. La fable de Mars jugé par les autres dieux et celle du Styx prouvent que cette idée se trouvoit déjà dans les anciennes fictions.
(^?) ^sch. Prom. 936.
(*»J iEsch. Eum. 873. cf. 957 sq. (*') Eut. Phoen. 86.
Xçij â* , et oFoçpôç nifpvitaq 9 nm tq,v fiqotov Tov ai^Tov aie* âva^tixv xce^eavaya*.
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SU y a des dieux, dil Qjteimieflre à Achille» cher Euripide, ta seras Iieiireiiz,parceqiie tu es Tertiietix(*^). Eaooiirager k criiBe , diUdle à Agamenuioo, c'est douter de la sagesse et de la justice des dieux (^ ')• Et , pour prourer qpe cette idée n'ëtirit pas seolemeot propre aux poâes , fl se fnidroit que ce mot du Spartiate Handri* ddas à P jTfliiis : K to es no diea , ta ne nous feras point de mal , car doos n'aTons commis aocone injus- tice: si ta es on homme, il y ai aura bien qui soient pins Snrts qoe toi('^). Cest dans le même sens qu'on disoit en forme de prorerhe; il n'est pas permis aux dieox de mentir ('') ; c'est en ce sens que Lycargne, Je ihéteor , ayant entendu donner le titre de dieu à Alexandre , s^écria : Bdle espèce de dieu ! Ce n'est pas en entrant dans son temfle , mais en le quittant , qu'il faut se purifier {^^). L'esdare d'Hippolyte dit à Yâms: Si quelqu'un, emporté par la fongue de la jeunesse , dit des choses inconTCTables , il faut faire semblant de ne pas l'entendre* Les dieox doiTent être plus sages que les hommes ('')• Cependant fl faut avouer que les poètes , par leur amour de la Tertu, se laissoient quelquefois entraîner à mépriser les
(•*») Eut. Ijpb. A, 1034 sa. cf. Hel. 857. (") Ib. 1189 sq. eu Meoamlr. in Exe. Grot. p. 753 fin.
này%a yàg
(•*) Plnt. Pyrrh. 26. M nh iaal tv yl ^#ôç, èâlv ^if nà- ^m^ê'v* ê yàç àâ^Mtv^ev* ai' â* &p&(^ia7foç y Sottat nai tt^
(<<) F« e. Demosth. Epist. (Oratt. Att. T. V. p. 846 in.) : %oVq S'ioZç i ^iiMç ^feiâsa&ak» Artem. Oneir. II. 69 : àXX6^
{**) Plut. X Oratt. Vit. T. IX. p. 350. C'est, je crois, le sem des paroles: IIoâaTt'oq àv 6 &ibq , l th Isçà'p HtQifraç âiijcek
(*') Eur. Hipp. 120. JSoçmti^BÇ yàq âêZ fiqoiutv tl^tu &êàqm cf. Bacch. 1346. 'O^yàç nqént^^êiK; 4% éftoèSa&a* fiqoxotq. On troaye la même idée dans les reproches que Grésns fait k Apollon chez Hérodote et chez Nicolas de Damas (p. 69. éd. OreU.).
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dieux. C'est un défaut qu'on remarque surtout chez Euripide. Chez oe poète , Ândromaque reproche à Apollon de s'être laissé entraîner par le désir de yengeance , et de ne plus mériter qu'on loue sa sagesse ('^)« Ion reproche à Apollon de séduire les jeunes filles et d'abandonner ensuite les fruits de son amour illégitime ; il ajoute qu'il n'est pas juste d'exiger que d'autres exercent la vertu qu'on méprise soi-même , et que , si les dieux en agis- sent ainsi , les hommes n'ont plus rien à se reprocher , puisqu'ils ne font que suivre leur exemple C).
Il faut bien distinguer d'aveo ces réflexions inconve- nantes les passages où les anciens ont exprimé l'idéal de majesté divine qui, malgré les erreurs du polythé* isme , leur étoit présent à l'esprit : par ces passages les poètes rentrent dans la classe des philosophes. Ce sont surtout Pindare , Eschyle et Sophocle qui en offrent des exemples ('*). Ces expressions sont propres, il est vrai , aux auteurs chez lesquels on les trouve : mais elles prouvent cependant que le polythéisme n'empêchoit pas qu'on ne se formât sur la divinité des idées plus dignes de sa nature sublime que ne Tétoient celles qui résultoient immédiatement de la croyance à une pluralité de dieux anthropomorphiques.
(s<^ Eut. Androm. 1165.
C) Eut. Ion. 436 sq. N.B. Ifa^êviiTioç de t$oè ^ovfioç^ Qae ce passage plût infiniment ï. Clément d'Alexandrie (Cobort. ad Gent. p. 65) , ceci n'est pas étonnant : mais , ce qui est inconce- vable , c*est que les Athéniens aient pu souffrir un langage aussi indécent. Ceci est bien pire que les bouffonneries d'Aristophane. Aristophane ne vouloit que rire, Euripide parle sérieusement. Et cependant le ton d'Euripide lui-même approche quelquefois de celui de la comédie : voyez , p. e. , le oiscours que tiennent les Dioscures sur Apollon , El» 1245 sq.
(s>) J*en ai rassemble' plusieurs exemples dans les ouvrages ou j'ai examiné la beauté morale des productions de ces auteurs.
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ToateiDis (et o'est le résultat de oe que nous yenons de jusqa'iei) le oaraetère distinctif du polythéisme , et spécialement du polythéisme des Qrecs , o'est Tiaoeusé- quence. Quelque sublimes que soient les éloges que font quelques auteurs de la majesté divine, cette pluralité même dont nous Tenons de parler , ce caractère tout-à-bit humain des divinités ont dû ôter aux Grecs toiil espoir de parvenir jamais à un principe constant et uniforme (")• Nous en avons les preuves sous les yeux : les philosophes et les poètes tragiques parlent de Jupiter comme nous parlerions du seul vrai Dieu ; les autres poètes et le peu- ple , et parfois les tragiques eux-mêmes , ne croient dé* rojg^er en rien à la majesté divine , en découvrant les défauts et les vices des habitants de l'Olympe (^^). Idées sur la Pro- Si les idées qu'ou se formoit de la sa- de généralilé et gesse et de la moralité des dieux restèrent d'uniformiié. ^ pg^ py^s les mêmes , on conçoit aisément
que celles qui concernent le soin que prenoient les dieux des affaires humaines n'auront pas été beaucoup plus éclairées* Aussi longtemps que la religion des Grecs
(^^) £t ces éloges même ne peuvent souvent se donner \ une divinité , sans faire tort aux autres. Lorsque Thespis , ou qui que ce soit , dit de Jupiter :
'Oçàq hxit Ze-ùç èiêt Tfç&vêVêk &ëSnf , Oi; ^ifêvâoçf èâè xoiikito'P , è it.S»qor flXwf
(Exc. Grot. p. 447 fin.) , que faut-il penser de tous les autres ? On étoit si persuadé que la bienfaisance ëloit un trait caractéristique de la divinité qu*on appeloit les Furies è B-toZq ôfAoiat, (^ch. VII. c. Th. 706) s et cependant les Furies étoient aussi adorées comme des déesses. ^co\ ^ous avons vu que la persuasion que la divinité ne ment point avoit passé en proverbe. G*est ainsi que l'auteur des lettres de Phalaris (ep. 126. p. 346) dit : to /*,iv inriâiv àfia^zà^êt^ êlnÔToiç »owç nul ântaiiaq &êê ro/^fr{:«Ta»: et cependant Isocrate , pour excuser les fautes commises par le gouvernement d* Athènes , allègue comme une opinion généralement reçue que les dieux mêmes ne sont pas toujours exempts d'erreur (^^<fi t«ç ^tùç di'a- têaçv^vaç <lya*, Panath. Oratt. Att. T. II. p. 274 fin.).
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conseryoit son caractère primitif , il falloit que la Provi- dence à laquelle ils accordoient le souverain pouvoir sur les choses de ce monde eùl toujours les mêmes défauts, il falloit qu'elle manquât et de généralité et d'uniformité, Nous ne nous arrêterons donc pas à en alléguer des preuves. Mais , ce qu'il faut faire observer , c'est que les poètes les plus célèbres u'hésitoient pas à faire ressortir ces défaut^ de la manière la plus choquante.
Certainement il seroit difficile de s'imaginer un idéal plus parfait de bienfaisance et d'amour du genre humain que celui qu'Eschyle a réalisé dans son Prométhée : mais quelle idée doit^on se former de l'administration des choses humaines , lorsqu'on voit ce dieu si bienfaisant et si noble enchaîné à un rocher par ordre d'une autre di- vinité , et cela dans le but de le punir des bienfaits mé- ines dont il est l'auteur. La manière dont Diane s'exprime au sujet de Vénus dans l'Hîppolyte d'Euripide (^^) , et la vengeance qu'elle déclare vouloir prendre sur un inno- cent (^^) , ne sont guère moins choquantes. On pourroit y ajouter ce que le même poëte rapporte sur la dispute qui s'éleva entre les dieux au sujet d'Hélène (^^). Galli-* maque n'hésite pas à rappeler la fable de la naissance d'Apollon et de Diane et de l'inimitié des dieux envers Latone , avec toutes les particularités absurdes de cette fiction (^^). Chez Théocrite, Junon veut faire périr Her- cule: Jupiter élude ses efforts et sauve la vie à son fil8(^'). Mais aussi, si la Pythie représente Minerve tâchant de fléchir son père en faveur des Athéniens , les poètes n'avoient pas à craindre de choquer l'opinion pu-
(^') vs. 1301 sq. La convention entre les dieux , dont elle parie vs. 1328 sq , me semble tout-^-fait de l'invention du poëte. {^») vs. 1420 sq. (<^3) Eur. Hel. 884 sq.
(<^^) Callim. H. in DeK 122 sq. (''«) Id. XXIV. surtout vs. 21 sq.
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bliquc , en rapportant de semblables transactions entre
les divinités.
Surtout manifeste Le oulte des dieux tutélaires et la con-
dans le culte des
dieux tutélaires. fiance qu*on ayoit dans les palladia et les
talismans ëtoient entièrement basés sur la persuasion du pouvoir spécial de chaque divinité. Il est inutile de dire que ce culte a reçu ses plus grands dé- veloppements après le retour des Héraolides , puisqu'il dépend en grande partie de la séparation des peuplades en états indépendants et de la consolidation de l'état interne des affaires dans les différentes républiques de la Grèce ; raison pourquoi il nous en falloit parler dans cette période. Miltiade étoit persuadé qu'il prendroit rUe de Lemnos , pourvu qu'il se rendit maître du pal* ladium conservé dans le temple de Cërès(^^). Les Thé- bains ne doutoient pas un moment qu'ils remporteroient la victoire, après que les Éginètes leur eussent euToyé les images des iBacides ; et , lorsque néanmoins ils furent battus par les Athéniens , ils renvoyèrent les héros aux Éginètes et ils les prièrent de leur faire parvenir plutAt des soldats (^'}, Ni Miltiade , ni les Thébains ne pa- roissent avoir pensé que Jupiter , qui, suivant Sophocle et plusieurs autres auteurs , exerce un pouvoir absolu sur tous les événements (^ ®) , pût empêcher Gérés ou les ^acides de leur faire obtenir ce qu'ils désiroient ; et les Thébains (qu'on remarque cette naïveté tout-à-faît enfantine) , voyant que le pouvoir des -ffiacides ne suflS- soit pas pour leur assurer la victoire , se contentent de les renvoyer et d'avoir recours à un moyen dont l'effi-
(^^) Herod. VI. 134. C'est au moins le motif qu'Hërodotç loi-même assigne k soo attentat.
(*') Herod. V. 80, 81.
(^^) Soph. £1. 170. 'Eaxy t^éraç èqavh Cf. Demosth. Epitaph. (Oratt. Âtt. T. V. p. 586.1.21): ô nài^"
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cacité devoit leur être bien mieux èonnue que celle qu'ils attribuoient à leurs béros. Que les bommes de biea succombent quelquefois aux méchants , dit Isocrate , c'est probablement la suite de quelque négligence de la part des dieux (^^); mais il n'a garde d'en conclure que pour cela ces dieux soient moins dignes d'être adorés. Je ne crains pas les dieux de ce pays , dit le héraut chez Eschyle , car ils ne m'ont pas élevés , ils n'ont pas eu soin de ma vieillesse ('°)» Nos dieux , dit lolaûs , chez Euripide , ne sont pas inférieurs à ceux des Argiens : Junon protège les Argiens , mais nous sommes favorisés par Minerve C). Dans une tragédie de Sophocle dont nous ne possédons que quelques fragments , les dieux de Troie étoient représentés em^portant leurs statues , pour ne pas les laisser en proie aux ennemis (^^); et, chez Eschyle , les Thébains , pour engager leurs dieux à dé- fendre la ville , leur rappellent la beauté du pays où ils avoient fixé leur demeure (^'). Gomment, les Thébains ne savoient-ils pas que ces dieux (Jupiter , Vénus , Nep- tune) demeuroient aussi bien ailleurs que dans leur ville ? Mais personne n'exigera que nous répondions à cette question. Nous pourrions eu faire de ce genre à
tout moment.
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{<^^) Isocr. Panath. (Qratt. Att. T. IL p. 305. 1. 186). Tb ai
(^«>) ^sch. Suppl. 894.
OvTOè ço^B/ia^ dalfiovaç tsç èit&àâê*
0-é fàq yi>* ë&çt^ayf êâ* iy^çaaaif rço^j;*
(^') Eut. Heraci. 348. — - &êo7at â" é »anio*ak
XQOfiea&a ovfifAdxo^a^v 'uiçytlav»
(7^) Dans les hoavijq>6çoè , fr. Soph. éd. Brunck. T. IIL